Avant-première du Rallye des arts : Tangente

Publié le 16 novembre 2016 par Benoit Beauchemin
Tangente

Entrevue réalisée avec l'équipe de Tangente en marge du Rallye des arts 2016.

Comment décririez-vous les spectacles que vous présentez à une personne ayant perdu la vue?
Imaginez-vous assis (ou debout, ou même parfois déambulant) dans une petite salle, au milieu d’une centaine de spectateurs. La proximité avec les artistes est telle que vous entendez leurs respirations, plus ou moins saccadées selon l’intensité de leur performance. Parfois, ils vous frôlent, ou vous prennent même par la main pour vous inviter à participer. À mesure que la performance avance, vous ne savez toujours pas à quoi vous attendre. À certains moments, vous percevez des éclats de rire, à d’autres, un profond silence méditatif. Vous aurez l’impression d’assister à un concert rock, ou…à une pièce de théâtre. Les genres seront perméables, et vos sens s’ouvriront peu à peu à l’univers des artistes présentés. Ce sera un voyage dans un autre espace-temps, une aventure à l’extérieur et à l’intérieur de vous-même. 

Une chose que vous n’avez jamais dite sur votre organisation?
Le nom « Tangente » a été choisi au hasard, en ouvrant un dictionnaire. Il se trouve que le sort fait bien les choses puisque notre rôle est justement de rendre possible un spectacle, qui est justement le point de rencontre entre le public (la droite) et l’œuvre (le cercle).

Une émotion pour décrire votre approche?
On vit beaucoup d’émotions à Tangente, autant au sein de notre équipe que dans les salles, lors des spectacles! Chaque année, nous bâtissons une programmation en choisissant sur dossier des chorégraphes émergents et locaux dont le travail artistique nous interpelle… nous n’avons aucun contrôle sur les œuvres présentées, et nous leur laissons le champ libre de créer ou d’affiner leur projet chorégraphique durant une année. La plupart du temps, nous découvrons leur création la veille de la première, lors de la répétition générale! Les risques et les émotions sont donc très intenses… Pour vous, spectateurs, c’est aussi une expérience inédite de pouvoir découvrir des créations contemporaines créées avec une grande liberté, qui n’ont souvent jamais été présentées. Attendez-vous à ressentir une palette d’émotions, de la tristesse, à la rage, en passant par la folie, le spleen ou encore la joie ultime. Notre objectif premier est que notre public ne ressorte jamais indemne d’un spectacle à Tangente. Nous voulons vous bousculer, dans vos ressentis, et dans vos idées.

Si l’argent n’était pas un frein, que feriez-vous de différent?
Nous rémunérerions davantage les chorégraphes locaux que nous programmons, afin de leur permettre aussi de rétribuer correctement tous leurs collaborateurs (interprètes, concepteurs d’éclairage et de son, répétiteurs, œil extérieur, etc.). Nous bâtirions davantage de projets in situ afin de faire connaître davantage la danse contemporaine au grand public. Nous ferions encore plus de projets dans le milieu scolaire afin de sensibiliser le jeune public aux richesses de notre art. 

Quelle frontière êtes-vous le plus fier d’avoir franchie jusque-là?
Nous existons depuis 35 ans, ce qui est déjà en soi un très bel accomplissement, sachant que pendant 10 ans nous n’avons reçu aucune subvention.

Nous vivons en ce moment même notre plus grande consécration : d’ici quelques semaines, nous ouvrirons les portes du Wilder, un tout nouvel espace de présentation sur la place des Festivals. Pour la première fois, nous serons (co)propriétaires de salles de spectacles, et maîtres des lieux à bord. Notre excitation est à la mesure des défis qui nous y attendent!

Notre défi ultime est toutefois de renverser les préjugés portant sur la danse contemporaine, de la peur de ne pas « comprendre » une œuvre, à celle d’être profondément choqué par de la nudité… Or, la danse contemporaine que nous présentons est multiple. On ne peut plus parler seulement de corps en mouvements sur scène : les disciplines artistiques s’y entremêlent (arts visuels, projections, cirque, théâtre, musique…), permettant différentes lectures du même spectacle. Apprécier la danse contemporaine demande aussi un certain « lâcher-prise ». La danse contemporaine demande d’absorber ce qui se passe devant soi et de vivre l’expérience pleinement. 

Si Montréal était une œuvre, à quoi ressemblerait-elle?
Ce serait une œuvre vivante et vibrante, évolutive et mouvante. Une œuvre contemporaine, bien sûr, mais surtout une œuvre revêtant une forte dimension sociale, accessible à tous et rassembleuse. Une œuvre dont vous vous remémorerez un refrain, un mouvement, un accessoire, ou une phrase quelques semaines ou mois plus tard, et qui ferait son bout de chemin dans votre esprit…

Vous désirez rencontrer l'équipe de Tangente? Joignez-vous à nous lors du Rallye des arts le 30 novembre prochain au Monument-National en vous procurant un billet!

Photo : d’ébène et de blanc (Marie Tourigny et Pier-Philippe Rioux)

Benoit  Beauchemin Billet par : Benoit Beauchemin