La grande histoire de Lorraine Pintal et de Isabelle Hudon
Mercredi, 18h, salle de répétition du Théâtre du Nouveau Monde. Ce soir, ce ne sont pas les acteurs qui foulent les planches, mais plutôt deux femmes de cœur, venues répondre aux questions de la Bridage Arts Affaires de Montréal (BAAM), avec toute la candeur et vitalité qu’on leur connaît. Côté jardin, Lorraine Pintal, directrice artistique et générale du Théâtre. Côté cour, Isabelle Hudon, chef de la direction, Québec et vice-présidente principale, solutions clients à la Financière Sun Life.
Lorraine, vous faites vivre à votre public toutes les émotions possibles. Isabelle, vous avez un grand pouvoir de conviction et vous êtes sur toutes les tribunes. Dites-nous, faites-vous, toutes les deux, du théâtre à votre façon ?
Lorraine : Je crois que oui ! J’ai rencontré Isabelle à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), où j’ai siégé avec elle pendant plus de cinq ans. Dès que je l’ai vue la première fois, je me suis dit : « Cette femme a déjà fait du théâtre. » Elle avait une telle présence et un tel charisme ! J’étais convaincue qu’elle avait déjà foulé les planches !
Comment vos deux planètes se sont-elles croisées ?
Isabelle : Lorsque j’étais présidente de la CCMM, j’ai proposé aux membres du conseil d’administration que Montréal devienne notre cause. Je voulais que la Chambre défende la ville d’un point de vue économique, mais aussi culturel et social. Et, pour y arriver, le conseil avait besoin de leaders de la communauté culturelle. C’est là que le nom de Lorraine est sorti. Sur le coup, quand je lui ai proposé d’y siéger, elle s’est demandée, comme beaucoup de femmes : « Qu’est-ce que je vais apporter ? ». Elle a eu un apport incroyable parce que sa présence sur le Conseil a permis de diversifier les points de vue.
Lorraine : Mon plus grand apport, ça a été de dire ce que je pensais et de confronter mes opinions avec celles des gens d’affaires. En bout de ligne, je dois dire que mon expérience sur le conseil m’a beaucoup servi, surtout lorsque j’ai participé à la revitalisation du TNM, un projet de 13 million de dollars, pour lequel nous avons fait une levée de fonds de 1,3 millions de dollars. Ça m’a fait réaliser qu’on pouvait atteindre un objectif avec la simple foi que l’art peu déplacer des montagnes.
Isabelle, lorsque vous êtes sollicitée par une organisation culturelle, qu’est-ce que vous cherchez en premier avant de vous impliquer ?
Isabelle : De la passion et de la chimie avec la personne qui me sollicite. Je cherche aussi une partie d’improbabilité dans la réussite du projet. C’est ce qui va me pousser à m’impliquer et me donner envie de relever le défi. Par exemple, quand Élise Charbonneau, directrice, financement et événements des Grands Ballets Canadiens de Montréal m’a demandée de présider leur bal annuel, elle voulait amasser un million de dollars. J’ai accepté parce qu’il m’apparaissait improbable que nous puissions amasser autant d’argent et puisque j’ai vu briller tant d’étoiles dans les yeux d’Élise. Je me suis lancée dans l’aventure et j’ai formé un comité d’honneur composé uniquement de femmes. Croyez-le ou non, on a dépassé notre objectif, qui était d’atteindre un million !
Est-ce que les organisations culturelles doivent être de plus en plus créatives dans leur manière d’aller chercher du financement ?
Lorraine : Oui et c’est essentiel ! Par exemple, le TNM organise, chaque année, l’événement la Cena. C’est une soirée thématique, qui connaît toujours un grand succès. Lors de cette soirée, les participants boivent du bon vin, mangent des bouchées raffinées, chantent, dansent, rient. En bout ligne, cet événement sert notre cause : il permet à la fois au TNM de diversifier ses revenus et d’élargir son réseau.
Si nous vous proposions d’interchanger vos postes aujourd’hui : Lorraine, vous êtes désormais philanthrope. Isabelle, vous êtes maintenant à la tête d’une grande institution culturelle. Quel serait votre premier geste pour rapprocher le domaine des arts et celui des affaires à Montréal ?
Isabelle : Je demanderais à la présidente de la Financière Sun Life de m’accueillir dans ses bureaux pendant un an et j’installerais mon organisation au cœur de la sienne. Le milieu culturel est d’une richesse incroyable et il a beaucoup à offrir à la communauté d’affaires. D’un autre côté, la communauté d’affaires peut apprendre aux organismes culturels comment être plus stratégiques. Si les deux milieux étaient davantage en contact, je crois que les organismes culturels grandiraient beaucoup et que les gens d’affaires se permettraient plus de créativité.
Lorraine : Si j’étais présidente de la Sun Life, je dirais certainement oui à ce genre de cohabitation ! À ça, j’ajouterais des ateliers ou des formations, pour que les deux milieux puissent partager leur processus de création. Les artistes travaillant sous la direction d’Isabelle pourraient vivre une forme de mentorat de la part des gens d’affaires. On pourrait aussi réaliser un spectacle que je mettrais en scène, comme femme d’affaires. Pourquoi pas ?
Quelle est la chose la plus importante que vous avez apprise en affaires et que vous aimeriez partager avec la relève d’affaires de Montréal ?
Isabelle : L’importance de s’impliquer dans la communauté culturelle. Nous sommes choyés dans la communauté des affaires. Quand nous sommes un leader, il fait partie de nos responsabilités de redonner et de participer à d’autres choses que la croissance de notre entreprise. C’est aussi notre responsabilité d’inciter nos collègues à le faire. Et nos enfants.
Lorraine : De mon côté, je dirais l’importance de consolider notre relève. Au TNM, par exemple, nous avons Les Jeunes Premiers, notre cercle de jeunes philanthropes, et c’est très stimulant de les côtoyer. Une autre chose que j’ai apprise, c’est que le cœur ne doit jamais être déconnecté de la tête. On ne travaille pas sans émotion. Et c’est exactement ce que je sens quand je côtoie les jeunes philanthropes.
En terminant, si vous pouviez écrire une pièce de théâtre qui aurait lieu dans 10 ans, où les protagonistes seraient des artistes et des gens d’affaires, à quoi ressemblerait l’histoire ?
Lorraine : Ce serait une pièce sur l’amour, qui ressemblerait au Songe d’une nuit d’été de Shakespeare. Cette pièce parle d’une communauté où règne le rêve et dans laquelle les personnages se transforment. La fin serait formidable : réunion de la liberté animale et de la pensée du cœur.
Isabelle : Je monterais certainement le deuxième acte de la Divine Illusion avec un personnage féminin qui secoue le milieu masculin en remettant en question la place des femmes dans la société !
Post by: Catherine Perreault-Lessard